Il nous manque toujours  autant.

Petit rappel pour ceux qui auraient manqué ces moments qui ont compté pour tous ceux qui l’ont connu.

L’avis de décès :

La communauté des Messieurs de l’Œuvre a la peine de vous faire part du décès de son doyen, Yves Bonnet-Ligeon, le 4 janvier 2022, dans sa 96e année, la 72e de sa vie de religieux. Ancien de St-Sa, il a été directeur de l’Œuvre du boulevard Tellène avant de rejoindre l’Œuvre des Iris. Très diminué depuis quelques années il était en repos à la maison de retraite du Bon Pasteur. En grande union de prières et d’action de grâces pour ce que le seigneur a mis en œuvre par son intermédiaire.

Et cette homélie qui le résume si bien et qui nous a permis de comprendre ce qu’il a apporté à tant de nous qui l’avons côtoyé dans les 3 oeuvres:

Homélie à l’occasion des obsèques de notre frère Yves Bonnet-Lignon
L’Évangile que nous venons d’entendre (Jn 3, 22-30) évoque une partie de la vie de Jean-Baptiste. À y regarder de près, il est très étonnant de voir combien celui qu’on appelle le dernier prophète de l’Ancien Testament et notre frère Yves avaient une personnalité proche.
Tout d’abord leur voix forte et assurée, celle du Baptiste qui crie dans le désert pour préparer les chemins du Seigneur ne renvoie-t-elle pas à celle d’Yves qui, sans être un prédicateur, a beaucoup prêché, que ce soit à la chapelle ou dans son atelier ? En outre, tous les deux n’ont jamais eu peur d’être incompris, d’aller à contre-courant.
Yves accueillait dans son atelier tous ceux que les sports collectifs rebutaient.
Jean-Baptiste, lui, accueillait ceux qui ne pouvaient pas aller au Temple comme les soldats, les publicains ou les handicapés. Tous les deux ont offert à leur manière un espace de liberté, l’un dans le cadre des loisirs, l’autre dans le cadre de la religion, à ceux qui étaient rejetés.
Yves et Jean-Baptiste développaient un discours sur Dieu proche, insistant sur l’urgence de la conversion, sur la nécessité d’une vie droite, sur la petitesse de
l’homme face à la grandeur de Dieu, sur la cohérence de vie entre ses paroles et de ses actes.
Leur simplicité de vie et de relations les rapprochaient aussi. Si Yves préférait l’anis de Marseille au miel du désert de Judée, la sobriété leur était naturelle. En outre, Yves comme Jean-Baptiste ont appris de leur mère la valeur des choses, le sens de Dieu. Son talent de bricoleur est né sans aucun doute au petit bazar du Bd Eugène Pierre.
Tous les deux étaient tenaces et profondément dévoués, à l’image de notre fondateur Jean-Joseph Allemand, qui invitait les animateurs à un zèle pour la sanctification des jeunes. Yves n’était pas un homme de réunion, de réseaux. Le Baptiste non plus, lui avait préféré le désert au Temple pour animer une communauté originale.
Enfin, tous les deux ont fait l’expérience de la précarité. Jean-Baptiste dans sa prison quelques temps avant d’être décapité et Yves dans sa maison de retraite où il tout semblait lui échapper depuis quelques années.
Oui, Jean-Baptiste et Yves possédaient des traits communs, une spiritualité assez proche. Certainement pas des novateurs, mais des « amis de l’Époux

Dans l’Évangile, parlant de lui-même, Jean-Baptiste dit : « Quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il entend la voix de l’époux. Telle est ma joie : elle est parfaite ». Ainsi, nous est précisée la posture de l’éducateur chrétien. Il ne se prend pas pour le Christ, il n’agit pas en gourou, il n’attire pas la lumière vers lui, il est Celui qui sans cesse renvoie au Christ, à Dieu. Un éducateur conduit au-dehors alors qu’un séducteur conduit à soi. Et c’est en agissant ainsi que l’on éprouve de la joie, une joie profonde, une joie qui n’est pas superficielle ou forcée. Une joie intérieure, une joie inébranlable qui s’émerveille de l’action de Dieu dans la vie des jeunes.
Comment ne pas penser à Yves, notre frère, un authentique père de jeunesse ? Sa joie résidait dans la progression humaine et spirituelle des enfants qui lui étaient confiés. Humaine et spirituelle ! Comme chrétiens, nous ne pouvons pas séparer les deux ; « Tu es un bon garçon » lui arrivait-il souvent de dire. Cette joie, il la vivait dans les petites choses. Une grande part de sa vie de monsieur de l’Œuvre s’est passée un balai à la main, un chapelet dans la poche, que ce soit dans la cour de Tellène, dans son atelier de l’Œuvre ou au travail. Yves avait une vie profondément unifiée, homme d’action et d’oraison. Et chers amis, cela donne aussi beaucoup de joie.
Mais il y avait quelque chose d’unique chez Yves dans sa manière d’éduquer les jeunes ; Yves avait reçu un talent extraordinaire, il était un artisan d’une grande valeur et même un artiste. Comme le dit la chanson : Pour faire un homme, mon Dieu que c’est long ! Mais pour faire ne serait-ce qu’un petit bateau en bois, mon Dieu que c’est long aussi ! Et lorsqu’on est jeune, on est pressé. Yves patiemment accompagnait chaque jeune. Il fallait faire une esquisse, puis un dessin plus abouti, puis le graver, le découper, le vernir… Et étape par étape, le bateau prenait forme.
Faire vite ? Non, il s’agissait de faire bien. Pourquoi donc ? Parce que fabriquer quelque chose de beau était une manière de rendre gloire au Créateur. Yves, de cette manière, invitait les jeunes à faire de leur vie un chef d’œuvre. Patiemment, par étapes… Avec cette bonté qui le caractérisait… ce qui ne l’empêchait pas de faire preuve d’autorité.
Chers amis, que le Seigneur soit remercié de nous avoir donné en cadeau l’existence et le message d’Yves. Et pour moi, un grand frère qui était aussi un grand père. Une confiance inébranlable en Dieu et une patience à toute épreuve. Une fidélité en des temps où la barque de l’Église tanguait.
Que le Seigneur lui pardonne tous ses péchés et qu’il nous aide nous aussi à savoir pardonner.
Jean-Baptiste son alter-ego termine ainsi :« Lui, Jésus, qu’il grandisse et moi, que je diminue ». Telle est le chemin de toute personne consciente de sa grandeur et de sa misère, ce chemin qu’Yves a emprunté jusqu’au bout.
Didier Rocca, 8 janvier 2022